
Le règlement européen 2023/851 prévoit la fin de la vente des voitures neuves à moteur thermique dès 2035, tout en maintenant la circulation des véhicules existants et en ouvrant la porte aux carburants de synthèse sous conditions strictes. Cette mesure, loin d’imposer un bannissement total, s’accompagne d’exemptions pour certains segments et de débats sur l’avenir des modèles d’exception.
Les constructeurs, confrontés à des investissements massifs dans l’électrification, ajustent leurs stratégies face à des incertitudes technologiques et économiques. Les collectionneurs, quant à eux, se trouvent à la croisée des chemins entre préservation patrimoniale et contraintes environnementales renforcées.
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Plan de l'article
2035 : une date charnière pour l’automobile européenne
En 2035, l’Union européenne trace un cap sans retour : la vente de véhicules thermiques neufs s’arrêtera net, bouleversant l’industrie et bousculant ses acteurs historiques. Derrière cette décision, la volonté d’en finir avec les gaz à effet de serre et de forcer la main à une transition massive vers le zéro émission. Pour la France, l’objectif est clair : deux tiers des voitures neuves devront déjà être électriques en 2030, puis l’intégralité en 2035.
Plusieurs leviers structurent cette ambition, chacun apportant une pièce décisive au puzzle :
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- Le Net Zero Industry Act (NZIA) entend faire de l’industrie verte européenne un pilier, couvrant 40 % des besoins du continent par des solutions locales.
- L’European Battery Alliance vise l’autonomie énergétique, avec 90 % des batteries nécessaires fabriquées sur le sol européen d’ici 2030 : enjeu stratégique pour la filière automobile, mais aussi pour la souveraineté industrielle.
- L’initiative Fit for 55 impose aux constructeurs de réduire de 55 % les émissions de CO2 des voitures particulières d’ici 2030 : une pression inédite sur les chaînes de production.
Dans cette course mondiale, la Chine s’est hissée au rang de deuxième exportateur automobile en 2023, resserrant l’étau sur les constructeurs européens. Ces derniers n’ont d’autre choix que de réorienter massivement leurs investissements vers la mobilité électrique, tout en observant la montée rapide des marques asiatiques. L’Europe, poussée par des politiques volontaristes, doit réagir, sous peine de voir les fleurons industriels passer la main.
Mais la révolution ne se limite pas au moteur : elle rebat aussi les cartes sociales, économiques et écologiques. Les chaînes d’approvisionnement se réinventent, les compétences recherchées évoluent, la dépendance aux matières premières stratégiques s’accroît. Pressée par le calendrier réglementaire, l’industrie européenne doit accélérer, innover et s’adapter, sans quoi elle risque de rater le train de la mobilité du futur.
Quels véhicules seront réellement concernés par l’interdiction ?
Dès 2035, la vente de voitures neuves thermiques disparaît du paysage européen. Cette mesure vise d’abord les voitures particulières et utilitaires légers équipés de moteurs essence ou diesel. Même les hybrides, qu’ils soient rechargeables ou non, ne pourront plus être commercialisés s’ils émettent du CO2 lors de leur utilisation réelle. La norme Euro 7, prévue pour 2025, viendra resserrer une dernière fois les seuils d’émissions, préparant le terrain à cette bascule définitive.
Le texte voté par le Parlement européen est limpide : seuls les véhicules zéro émission, électriques ou à hydrogène, seront autorisés à la vente en neuf après 2035. Quant aux e-carburants, parfois présentés comme l’alternative miracle, leur usage restera marginal : ils pourraient être acceptés dans des cas très spécifiques, mais le cadre reste strict et réservé à des exceptions, loin d’un accès généralisé aux particuliers.
Les voitures déjà immatriculées, essence ou diesel, continueront de circuler. Le marché de l’occasion, lui, reste à l’écart de la mesure : pas question d’interdire la revente des modèles actuels ou de priver les amateurs de véhicules de collection. Cependant, les Zones à Faibles Émissions (ZFE), de plus en plus nombreuses dans les grandes villes, limiteront progressivement l’accès des véhicules les plus polluants aux centres urbains, conformément au calendrier resserré fixé par la loi climat et résilience. Les modèles anciens sentiront la pression monter, notamment en zone urbaine.
Les constructeurs, eux, accélèrent la mutation : gammes 100 % électriques, investissements colossaux dans la technologie hydrogène, et surveillance attentive de toute évolution sur les carburants de synthèse. La définition du véhicule « autorisé » s’impose désormais comme un terrain d’affrontement entre innovation, réglementation et enjeux sociétaux.
Voitures de collection et passionnés : entre incertitudes et nouvelles opportunités
Pour le monde de la voiture de collection, l’avenir se dessine à l’encre d’incertitude. Si la vague réglementaire bouleverse le marché du neuf, elle laisse, pour l’instant, les modèles anciens hors de son viseur. Les Porsche 911, Citroën C6 ou Mazda MX-5 de troisième génération continueront à sillonner les routes, protégées par une distinction légale entre patrimoine roulant et flotte quotidienne.
Sur le marché de l’occasion, la tension monte. L’anticipation des restrictions pousse les prix de certains modèles mythiques vers le haut. Collectionneurs et amateurs misent sur la rareté et la valeur sentimentale. L’Aston Martin Vantage ou la Renault Mégane RS, longtemps confidentielles, deviennent soudainement recherchées et prennent des allures d’investissement autant que de passion.
Pendant ce temps, les e-carburants, développés notamment par Porsche au Chili, laissent entrevoir une alternative technique. Leur utilisation reste, à ce stade, limitée et entourée d’incertitudes réglementaires, mais ils ouvrent une brèche pour préserver le plaisir de conduire des modèles historiques tout en tenant compte des exigences environnementales. Clubs d’amateurs et fédérations s’activent pour défendre leur cause, multipliant démarches et plaidoyers pour pérenniser l’accès à la route des voitures de collection.
Face à la transformation, la communauté s’organise autrement : restauration innovante, événements dédiés, circuits privés ou réseaux d’entraide se multiplient. La passion automobile ne disparaît pas, elle change de forme, s’adapte, et invente de nouvelles façons d’exister dans un monde où le thermique entre en résistance créative.
Conséquences pour les consommateurs et défis pour l’industrie
La bascule vers l’électrique chamboule les habitudes et redistribue les cartes du secteur automobile. Les acheteurs, confrontés à des tarifs d’achat en hausse, bénéficient en France d’aides comme le leasing social à 100 euros par mois ou des primes à l’acquisition. L’exemple allemand illustre la fragilité du système : la suppression brutale des dispositifs d’aide a aussitôt fait chuter les ventes, montrant la sensibilité du marché à l’intervention publique.
Voici les principaux impacts et évolutions auxquels les automobilistes sont déjà confrontés :
- Des prix d’achat qui grimpent, mais des coûts d’utilisation au quotidien nettement plus faibles
- Un réseau de bornes de recharge qui s’étend progressivement, mais dont la couverture reste inégale selon les territoires
- Une offre en pleine mutation, avec l’apparition de nouveaux acteurs et l’émergence de technologies inédites
Chez les constructeurs, la reconversion industrielle s’accélère. Les gigafactories de batteries, soutenues par l’European Battery Alliance, deviennent des centres névralgiques pour garantir l’autonomie européenne d’ici 2030. BYD, le géant chinois, a déjà dépassé Tesla en volume de production, signe d’un nouvel ordre mondial qui s’installe. Parallèlement, la révolution digitale et l’intelligence artificielle investissent la mobilité : véhicules autonomes, gestion intelligente des flux grâce à l’internet des objets, ou encore nouveaux modèles de mobilité partagée dopés à la blockchain.
Les industriels jonglent avec des investissements massifs, des règles mouvantes et l’exigence de faire baisser drastiquement les émissions. La pression du calendrier européen, l’instabilité des prix des matières premières et la course à l’innovation redessinent le paysage. Reste à savoir si la mobilité électrique parviendra à conjuguer accessibilité, fiabilité et préservation des emplois, sans laisser l’Europe dépendante ou reléguée au second plan.
2035 n’est pas une ligne d’arrivée, mais un point de bascule. Pour l’automobile, le plus grand défi commence : réinventer le plaisir, la mobilité, et l’industrie, dans un paysage où la route elle-même change de destination.