La France et l’Allemagne signent un nouvel accord à l’approche de Brexit

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La France et l’Allemagne ont signé un nouveau traité visant à redonner vie à leur place au centre de l’Union européenne.

Alors que le Royaume-Uni s’apprête à quitter l’UE, le nouveau traité s’engage de tout cœur à le défendre. D’autant plus qu’une marée montante de populisme remet en question les valeurs libérales fondamentales du bloc.

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Angela Merkel, la chancelière allemande, a mis l’accent sur la paix et la sécurité. Elle a particulièrement soutenu l’émergence d’une armée européenne.

Le défi pour l’Europe serait de devenir “un bouclier” contre les tumultes du monde selon le président français, Emmanuel Macron.

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La signature s’est faite dans une ville allemande, connue sous le nom d’Aix-la-Chapelle. Riche en histoire et symboles, cette ville a changé de mains au cours des siècles.

Cependant, cela changera-t-il quelque chose en fin de compte ?

La France et l’Allemagne ont convenu d’établir des positions communes et de publier des déclarations communes sur les affaires européennes. De cette manière, les deux nations officialisent ainsi leur coopération existante. Ils ont également l’intention d’agir en tant que force conjointe au sein des Nations Unies.

La réciprocité sera donc de mise, de la politique étrangère à la sécurité intérieure et extérieure. De ce fait, la France comme l’Allemagne s’engage à dégager des positions communes. Cette union visera à renforcer la capacité d’action autonome de l’Europe, selon les deux grandes puissances.

Les deux pays s’engagent à :

  • approfondir l’intégration économique avec une zone économique franco-allemande ;
  • développer les capacités militaires de l’Europe. Plus particulièrement, il s’agit d’œuvrer ensemble pour combler les lacunes en matière de capacités. Ainsi, l’aspiration visé est de renforcer l’UE et l’OTAN ;
  • et la possibilité de déploiements militaires conjoints ainsi que d’un conseil de défense et de sécurité franco-allemand.

Pour la jeunesse, il est convenu de mettre l’accent sur les échanges culturels et d’accroître l’apprentissage des deux langues. Dans une vision plus large, l’objectif est de faire une université franco-allemande.

Il est également prévu de resserrer les liens transfrontaliers et de renforcer le “bilinguisme” des deux côtés de la frontière.

Une relation bilatérale

Selon la chancelière allemande, le traité a été conclu dans un « cadre spécial ». Son discours était surtout porté sur la montée du populisme et du nationalisme. « Pour la première fois, un pays quitte l’Union européenne, la Grande-Bretagne », a-t-elle ajouté.

Emmanuel Macron a affirmé que « ceux qui oublient la valeur de la paix et répandent des mensonges sont complices des crimes du passé ». Pour la part du président français, il préfère regarder l’Europe en face et la renforcer pour protéger la population. « C’est ce que nous faisons », a-t-il insisté.

L’Allemagne ne cache pas sa volonté d’apporter sa contribution à l’émergence d’une armée européenne”. Le pays est déterminé à développer une culture militaire commune. Dans les affirmations de Mme Merkel, elle propose une ligne commune en matière d’exportation d’armements. Le projet s’orientera vers une industrie de défense commune.

Les deux dirigeants ont évoqué la création d’une force de défense européenne commune qui opérerait au sein de l’OTAN. Toutefois, rien ne fait rapport à un remplacement de celle-ci. Néanmoins, l’idée n’est pas nouvelle.

Le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a donné son approbation au traité. Ce dernier a déclaré que l’OTAN avait été informée des questions militaires. « Pendant des décennies, la coopération franco-allemande a été essentielle pour la sécurité et la stabilité en Europe », a-t-il avoué. D’autant plus que le traité était un rappel du chemin parcouru par l’Europe depuis la dévastation de la Grande Guerre.

Quelle ambition du traité ?

Il y a exactement 56 ans, la première Déclaration commune d’amitié franco-allemande était signée à Paris.

Dirk Leuffen, professeur titulaire de sciences politiques et de relations internationales à l’Université de Constance, apporte quelques éclaircissements.

« Depuis lors, l’esprit du traité de 1963 a été évoqué à maintes reprises par différents gouvernements français et allemand », a-t-il précisé. Il estime qu’il n’y a pas de changement dramatique. Bien au contraire, le traité poursuit ou traduit les anciens objectifs en défis d’aujourd’hui. Il souligne que les plans économiques pourraient marquer la prochaine étape d’un rapprochement entre les deux pays.

Pour Alistair Cole de l’Université de Cardiff, l’importance du traité réside dans son symbolisme. Dans le contexte de l’Europe de l’après-Brexit, il estime qu’il s’agit de « déclarer la centralité de la France et de l’Allemagne ». Même si, dans la pratique, les deux pays ne sont souvent pas d’accord.

Apparemment, la France et l’Allemagne se fixent des objectifs pour 2019.

Y a-t-il beaucoup d’opposition au traité ?

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, originaire de Pologne, a fait preuve de prudence dans son discours.

« L’Allemagne et la France peuvent et doivent bien servir l’ensemble de l’Europe », a-t-il affirmé lors de la cérémonie.

Aujourd’hui, l’Europe a besoin d’un signal clair de la part de Paris et de Berlin. À savoir qu’une coopération renforcée dans une partie n’est pas une alternative à la coopération de l’ensemble de l’Europe. Toujours selon son avis, « c’est pour l’intégration, et non à la place de l’intégration. »

En matière de migration, les pays d’Europe centrale et orientale ont refusé d’accepter le leadership allemand et français.

L’Italie a déclaré « qu’il est temps de s’opposer à l’axe franco-allemand avec un axe italo-polonais ». Par son ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, la déclaration s’est faite le jour de l’annonce du projet final du traité.

Il s’est exprimé lors d’une visite en Pologne. Le ministre italien conteste la domination de la France et de l’Allemagne au sein de l’UE. Surtout, avec cette alliance eurosceptique en vue des élections européennes de mai.

Il faut savoir que le traité lui-même a fait l’objet d’un nombre considérable de fausses nouvelles en France. Des théories selon lesquelles M. Macron allait céder des territoires dans le cadre de cet accord ont été murmurées.

Un député européen français, l’ancien membre du Front national Bernard Monot, a fait des commentaires sur le sujet. Dans une vidéo, il a avancé que le traité céderait effectivement les régions frontalières d’Alsace et de Lorraine à l’Allemagne.

Plusieurs articles ont été diffusés dans les médias d’information pour démystifier ces dires. En dépit de ces efforts, l’allégation s’est rapidement répandue sur les médias sociaux.

Mardi dernier, le leader d’extrême droite Marine Le Pen n’a pas manqué de tweeté au sujet du traité. Pour elle, l’étendue des liens avec l’Allemagne constituait une « trahison » et un « abandon sérieux » de notre souveraineté.

De quoi Macron et Merkel s’inquiètent-ils ?

Derrière le bel édifice en pierre de l’hôtel de ville historique d’Aix-la-Chapelle, deux alliés se sont chaleureusement engagés à approfondir leur relation.

Mais à l’extérieur, des manifestants eurosceptiques et des manifestants en gilet jaune ont crié sur les partisans de l’UE. Le froid glacial n’a pas empêché ce mouvement de contestation.

Le traité présente incontestablement des critiques. Apparemment, il y a un risque d’aliéner d’autres États membres de l’UE. Et lorsque Mme Merkel et Emmanuel Macron sont apparus pour saluer la foule, leur sourire semblait un peu faible.

Aix-la-Chapelle, c’est l’ambition, la vision et le symbolisme. Mais le pouvoir de Mme Merkel diminue et M. Macron n’est pas en reste. Les sceptiques se demandent ce qu’il adviendra de leurs promesses une fois leur mandat terminé.

Le traité changera-t-il quelque chose ?

Le pouvoir du président Macron s’est affaibli depuis son élection en 2017. Le président français s’engage en faveur d’une série de mesures pro-européennes. Notamment, une des principales mesures est la création d’un budget commun pour la zone euro.

Le professeur Cole estime que la question principale n’est pas le traité. De son point de vue, ce serait «l’avenir très incertain du programme de réforme européen de Macron.»

Effectivement, il estime qu’il pourrait y avoir un mouvement vers une stratégie de sécurité et de défense plus intégrée. Par ses propres spéculations, il suppose que cela s’orientera vers le partage de la dette dans la zone euro.

Selon le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, les deux pays «unissent leurs forces pour lutter en faveur d’une Europe forte, capable d’agir, d’un monde pacifique et d’un ordre international fondé sur des règles.»